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  • Thierry Guénin

La mesure du bonheur peut-elle remplacer celle de la croissance ?

Dernière mise à jour : 4 juin



Les Finlandais auraient-ils trouvé la recette du bonheur ? C'est ce que semble indiquer le Rapport mondial sur le bonheur publié par l'ONU en ce mois de mars. Au-delà du classement des pays les uns par rapport aux autres, ce document est riche d'enseignements. Le bonheur serait-il un indicateur plus pertinent que la croissance du PIB ?

 

Le 20 mars, à l’occasion de la Journée internationale du bonheur, le Réseau de solutions pour le développement durable des Nations Unies a présenté l’édition 2024 de son Rapport mondial sur le bonheur. La Finlande est toujours en tête (pour la septième année consécutive) et les cinq pays nordiques se retrouvent parmi les sept premiers. Les facteurs contribuant au bonheur des Finlandais sont évidemment multiples. On y trouve, en particulier, la proximité de la nature, un bon équilibre entre travail et vie privée et aussi un sentiment de confiance vis-à-vis des institutions.


Dix pays membres de l'UE figurent parmi les vingt premiers. La France occupe la 27ème place. Notons que l’excellent classement des pays nordiques est notamment dû à l'enthousiasme des plus de 60 ans. Chez les moins de 30 ans, ce sont les jeunes Lituaniens qui se déclarent les plus heureux.

 

Six facteurs sont pris en compte : le soutien social, le revenu, la santé, la liberté, la générosité et l’absence de corruption. Le soutien social évalue l'existence d'un réseau de proches susceptibles d'apporter leur aide en cas de besoin. La générosité est quant à elle mesurée par la question suivante : « Avez-vous fait un don à une organisation caritative au cours du mois dernier ? »

 

Agréger de tels facteurs donne une image potentiellement plus précise de l'état des différentes sociétés étudiées et ce rapport n'est pas le seul à s'intéresser à ces questions. Au niveau international, de nombreux indicateurs ont vu le jour depuis le début des années 90, à commencer par l’indice de développement humain (IDH) calculé chaque année par le Programme des Nations Unies pour le Développement. 


Quelle est la vocation de ces indicateurs ? Dans un rapport sur le bien-être au Québec (publié en 2022 par l’Institut de la statistique du Québec), les auteurs notaient que « pour que les politiques publiques puissent véritablement favoriser le progrès de la société, et non seulement la croissance économique, il faut mesurer l’évolution et la pérennité du bien-être en s’appuyant sur les principales dimensions de ce dernier. »


Fin 2002, la sociologue Dominique Méda réagissait aux travaux des chercheurs Lars Osberg et Andrew Sharpe sur la création d’un indice de bien-être économique basé sur une petite vingtaine de critères pour le compte de l’OCDE. Elle soulignait alors la nécessité de regarder une société au-delà de ses richesses et de prendre en compte une notion plus large : le patrimoine commun fait de biens physiques, naturels et culturels et auquel est associé un état de santé, d’éducation et de sécurité. En ce sens, une société est un collectif humain complexe avant d’être une machine à produire. Mesurer sa richesse est pertinent, mais il convient aussi d’évaluer sa pauvreté et la disparité des revenus.


La recherche d’indicateurs alternatifs intégrant l’expérience citoyenne ou des critères environnementaux est le fait tant d’économistes que d’acteurs citoyens contestant le modèle d’analyse dominant. Mais, trouver et intégrer un ou plusieurs indicateurs reflétant l’évolution de la société dans son ensemble n’est pas une tâche simple. Encore faut-il, comme le rappelle l’économiste français Jean Gadrey, spécialiste de ces questions, bien préciser l’usage du nouvel indicateur.  S’agit-il d’un indicateur de sensibilisation et d’alerte à but pédagogique ou bien d’un indicateur définissant des objectifs de politiques publiques ? À ce jour, si les médias se font les relais des différentes mesures proposées comme ce rapport sur le bonheur, aucune démarche d’institutionnalisation de nouveaux indicateurs n’a véritablement abouti. 


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