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  • Thierry Guénin

Développer l’empathie pour lutter contre le harcèlement scolaire



Les cours d'empathie ont été retenus comme un outil important dans le dispositif de lutte contre le harcèlement. Préconisés pour les plus jeunes, ils permettent de verbaliser ses émotions et de se rapprocher d'autrui. L'empathie serait-elle une pièce essentielle du mieux vivre ensemble ? 


Début février, le service statistique de l'éducation nationale a publié les résultats d'une analyse menée sur un échantillon représentatif de 17 000 questionnaires collectés auprès d'élèves du CM2 à la terminale. Cette enquête, qui a vocation à être conduite annuellement, a révélé ou confirmé l'ampleur du phénomène. 5 % des élèves du CE2 au CM2 se disent victimes de harcèlement. Ils sont 6% au collège et 4% au lycée.  


Les actes violents à l'école ne sont malheureusement pas une nouveauté. La notion de harcèlement (qu'il soit verbal ou physique) fait plus précisément référence à des violences répétées sur un élève par un autre élève (ou un groupe d'élèves) dans le but de lui porter préjudice ou de le blesser. 


Les conséquences sont multiples et la victime, tout comme le harceleur, risque de présenter des troubles psychologiques importants. En France, les premières assises du harcèlement ont eu lieu en 2011. Leur mérite selon Nicole Catheline (Le Journal des Psychologues, 2017/8) a été de mettre en lumière « les conséquences jusqu'alors insoupçonnées du harcèlement, parfois tout au long de la vie. »


Selon Claude Monneret (Enfances & Psy, 2019), « l’installation d’une relation harceleur-harcelé débute souvent par le repérage d’une légère différence, d’une faille chez la future victime. » Cette différence peut être de plusieurs natures, comme par exemple un surpoids, une timidité ou même des qualités enviées. Imaginaire ou réelle, elle va déclencher chez le harceleur un comportement haineux et agressif. Au harceleur meneur, sont souvent associés des suiveurs et des observateurs qui ne s'opposent pas aux actes de violence. 


Le cyberharcèlement est venu ces dernières années s'ajouter aux formes plus anciennes d'agression. Comme l'explique Angélique Gozlan (Savoirs et Clinique, 2018/1), « l'effet de diffusion massive est ici implacable dans le processus de destruction du sujet. »


Le plan interministériel de lutte contre le harcèlement à l'école présenté par le gouvernement français en septembre 2023 a pour objectif de répondre à un fléau dont les conséquences tragiques – en particulier le suicide d’adolescents harcelés – nous rappellent régulièrement la gravité. Ce plan décliné en trois volets (prévention, détection, solutions) ne se limite pas au monde de l'éducation. Il s'étend à celui de la santé, de la justice, du numérique, de la police et du sport. 


Parmi les mesures proposées, on trouve des cours d'empathie préconisés dès le plus jeune âge. L'objectif est notamment de stimuler les compétences psychosociales des enfants et de favoriser les conduites solidaires. Pendant ces ateliers, les enfants sont amenés à parler de leurs émotions. Ils apprennent à mieux les définir, à mieux les identifier. Petit à petit, ils parviennent à verbaliser leurs expériences. 


L'empathie, définie comme la capacité à se mettre à la place de l'autre, apparaît comme une composante importante d'une relation d'aide. Jacques Hochman dans l'introduction de son livre Une histoire de l'empathie souligne qu'elle est un processus à la fois cognitif et affectif « qui nous permet d'appréhender l'intimité d'autrui » et « d'apprécier et de partager ses émotions. »


Dans l'éditorial du numéro 98 de la revue Enfances & Psy paru en janvier 2024, Jean-Pierre Benoit s'interroge sur ce déficit d'empathie et sur la nécessité de la réintroduire par voie scolaire. Il nous interpelle : « La société dans son ensemble devrait analyser les causes profondes des déliaisons qui conduisent à l’oubli de l’autre dès l’enfance, à la libération de l’agressivité, à l’augmentation des manifestations d’emprise. Poussée de l’individualisme, de l’intérêt particulier aux dépens du collectif, du narcissisme aux dépens de l’altérité ? »


En écho à ce triste constat, citons Michael E. Morrell qui dans Empathy and Democracy (2013), affirme que la promesse démocratique d'un traitement égal pour tous n'est justement réalisable qu'en plaçant l'empathie au cœur du processus de décision.


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